Entretien – enregistré dans les bureaux parisiens de la maison d’édition Actes Sud – avec Marguerite Pozzoli, spécialiste de la culture italienne, auteur de la première traduction française (avec Lise Chapuis) d’un ouvrage vraiment extraordinaire. Un très spécial « livre de recettes », publié pour la première fois en 1891, enrichi pendant les deux décennies suivantes par son créateur, puis réimprimé sans interruption, en italien et en d’autres langues, jusqu’à nos jours : LA SCIENCE EN CUISINE ET L’ART DE BIEN MANGER, par Pellegrino Artusi. Traduction préfacée et supervisée par Alberto Capatti, éminent connaisseur de la gastronomie italienne. Editée par Actes Sud, 2016, sous la direction de Marguerite Pozzoli.

S’appuyant sur quelques préceptes à la portée du plus grand nombre, avec « La Science en cuisine et l’art de bien manger », Pellegrino Artusi a révolutionné l’idée même de la gastronomie, et créé la Bible de la cuisine italienne. Publié une première fois à compte d’auteur en 1891, l’ouvrage connaîtra ensuite, du vivant d’Artusi, quinze éditions dont la dernière, posthume, rassemble 790 recettes. Car ce qui est sans doute le premier livre de cuisine “interactif” s’est progressivement enrichi des recettes proposées à l’auteur par des correspondants – et surtout des correspondantes – des quatre coins de l’Italie, même si les régions de prédilection d’Artusi, liées à sa biographie, restent l’Emilie-Romagne et la Toscane. Recettes qu’il testait ensuite systématiquement, chez lui, avant de les faire siennes et de les intégrer à son livre.

Accompagné de réflexions hygiénistes, émaillé d’anecdotes savoureuses, d’allusions à l’actualité de l’époque et de références littéraires parfois malicieuses qui vont de la citation au pastiche, ce livre se caractérise aussi par sa volonté d’unification linguistique, dans un pays dont l’unité politique était encore toute récente. Il constitue ainsi non seulement un texte canonique, qui a fondé les codes de la cuisine bourgeoise italienne (au point qu’on l’offrait souvent, il y a encore peu de temps, aux jeunes mariées), mais aussi un ouvrage qui permet des lectures multiples. Sans cesse repris, imité, commenté, voire piraté, il reste un modèle en la matière : celui d’une cuisine de marché, assez facilement réalisable et pleine de bon sens, exigeante sur la qualité des produits mais adaptable au goût et aux possibilités de chacun, ouverte à la nouveauté mais refusant le snobisme.

Peu avant l’enregistrement de notre entretien, l’ouvrage « La Science en cuisine et l’art de bien manger » par Pellegrino Artusi avait été présenté par Marguerite Pozzoli et Domenico Biscardi à LA LIBRERIA franco-italienne (89, rue du Faubourg Poissonnière – 75009 Paris).