Nous avons choisi d’illustrer cet article de Giuseppe Pintorno sur Claudio Abbado (1933-2014) par une mémorable interprétation de ce dernier, présentée par Berliner Philharmoniker : le très célèbre chœur « Va’ pensiero », du « Nabucco » de Giuseppe Verdi.



CLAUDIO ABBADO : un musicien, un homme
par Giuseppe Pintorno

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C’était bien le 19 mars 1963, jour de la fête de Saint Joseph. Et à la « Casa Verdi » – c’était encore la tradition – un concert était offert aux artistes y résidant par les chanteurs figurant au programme de la Scala. J’y avais été invité, ce jour-là, justement par une chanteuse : il s’agissait donc de tout un monde pour ainsi dire familial. Les protagonistes de la soirée étaient le ténor Gianni Raimondi, une merveille de technique vocale, qui ces jours-là chantait Madama Butterfly, et le baryton Lino Puglisi, un ami de la cantatrice qui m’avait invité, qui était Escamillo dans Carmen.

Juste devant moi, était assis un monsieur qui saluait tout le monde, et que tout le monde saluait, auquel on m’a présenté. Il se nommait Abbado, Michelangelo. Il se dit très content de faire ma connaissance, car, me dit-il, à l’époque de sa collaboration au Conservatoire de Palerme il était en de très bons termes avec le Maestro Vincenzo Maria Pintorno, chef d’orchestre et professeur de chant bien connu à l’époque, qui mourut à l’âge de cent six ans et auquel il consacra un important article : V.M. Pintorno, il Maestro più longevo d’Italia (le Maître qui vécut le plus longtemps). J’eus ensuite d’autres occasions de le contacter.

Maître Abbado père, violoniste très important et à la fois voué à l’enseignement, avait quatre enfants, dont Claudio. Et ce jour-là il racontait à nous tous et à Mme Titta Montagnani Marelli (cantatrice et pharmacienne, ancienne élève de Mme Emma Lorenzoli Molajoli, femme du chef d’orchestre Lorenzo Molajoli, collaborateur de Toscanini à la Scala) que le jeune Claudio (trente ans) s’était envolé à New York, afin de participer au « Prix Mitropoulos » pour la direction d’orchestre. Concours que bien entendu il gagna, ex-æquo avec Pedro Calderon et Zdenek Kosler.

La carrière de Claudio Abbado prit l’envolée que tout le monde connaît : de la Scala aux salles et aux théâtres du monde entier. Rappelons son véritable, extrême amour pour la musique, témoigné par exemple en faisant partager sa passion des partitions de Gustav Mahler à un public de jeunes comme lui; ou même en présentant I Capuleti e i Montecchi de Vincenzo Bellini avec le rôle de Roméo transposé pour voix de ténor (Jaime Aragall), alors que la version originale avait été conçue pour mezzo. Sa carrière fut parsemée de succès, de prix, de preuves d’appréciation professionnelles et humaines.

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Claudio Abbado sortait donc d’une famille « très musicale » : son père, Michelangelo, grand violoniste et enseignant ; son frère, Marcello, pianiste et directeur du Conservatoire de musique de Milan ; sa sœur, Luciana, responsable majeur de la Maison Ricordi. Son frère cadet, par contre, est architecte.

Nous ne donnerons pas la liste, ni de ses interprétations, ni des titres composant sa discographie, car tout le monde les connaît, et tout le monde peut facilement les retrouver. Nous allons nous borner à rappeler que sa nomination au poste de directeur de la Berliner Philharmoniker (1989) fut la première d’un artiste étranger pour ce poste.

Claudio Abbado était convaincu de l’importance de travailler à côté des jeunes pour la diffusion de la culture, donc pour améliorer la vie des gens : dans le but de développer une humanité meilleure. Il y a quelques années, étant invité à retourner à diriger à la Scala, il se déclara disponible, mais à condition que la Ville de Milan plante des milliers d’arbres !

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C’est avec la plus vive émotion que le monde entier apprit le départ de Claudio Abbado, un homme et un ami plus qu’une célébrité. Les jeunes personnes lui doivent la fondation de plusieurs orchestres, lui doivent la liberté de faire de la musique. Je souhaite vous rappeler, par exemple, la ECYO (European Community Youth Orchestra) au sein de laquelle, tout jeune, travailla Marco Rizzi, qui atteignit par la suite une renommée internationale.

Claudio Abbado, lui, a été une star, tout court.

Les photos de cette page proviennent de l’Archivio Fotografico del Teatro alla Scala, que nous remercions pour sa très courtoise collaboration.